La passion des meubles et objets anciens

Coiffeuse Art déco

Coiffeuse Art déco

By on Fév 25, 2015

 Voici le rapport de restauration d’une coiffeuse Art déco en acajou et incrustations d’ivoire.

 

 

Le mouvement Art Déco naît d’une réaction contre l’Art nouveau dont les formes apparaissent alors trop baroques. Le mouvement connait son apogée à l’exposition des Arts décoratifs de 1925. Ce style s’oriente vers des lignes simples et des formes cubiques (sous l’influence du Cubisme en peinture) :

• Les angles sont vifs ou arrondis ou encore à pans coupés.

• Les meubles sont souvent supportés par des socles mais aussi par des pieds de formes ovoïdes, à godrons ou à pans coupés à l’image de la coiffeuse qui nous occupe ici.

• L’utilisation de la marqueterie reste souvent cantonnée à des incrustations d’ivoire, de métal.

• Les bâtis sont en chêne.

• Pour le placage sont utilisés l’acajou, le satiné, les palissandres des Indes et de Rio, le thuya (souvent en loupe), le citronnier et l’amarante.

Expertise de la console avant sa restauration

 

Ce meuble possède les qualités de style et de fabrication de l’époque Art Déco. On peut attester que nous sommes en présence d’une coiffeuse : des traces de trous de clous sont repérables à l’intérieur du plateau central, ce qui laisse supposer la fixation d’un miroir.

Utilisation d’outils mécaniques :

 

On devine des traces de rabot mécanique sur le dessous. Le caisson est parfaitement fini et plaqué en parement et contre parement (même pour les zones qui ne sont pas regardées habituellement).

 

Coiffeuse avant la restauration

Coiffeuse avant la restauration

 

Les placages :

Grâce à la dépose d’une partie du placage du dessous, nous pouvons attester de l’utilisation d’un placage tranché d’une épaisseur approchant 1 mm.

Les traces de rabot à dents :

Sous le placage et l’ivoire les traces de rabot à dents nous révèlent que la lame utilisée est d’une fabrication postérieure à la fin du XIXème siècle (environ 20 dents par 2 cm).

Les bois utilisés pour le bâti :

Le bois utilisé pour les panneaux du bâti est le peuplier (voir photo en haut). Les fonds de la coiffeuse sont en CP (voir ci-contre). Le Contre plaqué a commencé à être fabriqué industriellement juste avant la première guerre mondiale.

 Les colles :

La colle utilisée pour le placage est la colle de poisson. Contrairement à la colle chaude qui possède une couleur noirâtre, la colle de poisson garde un aspect doré après séchage. L’ivoire quant à lui a été fixer à la colle vinylique blanche pour ne pas noircir l’apparence de l’ivoire.

 

Constat d’état

 

On observe une seule lacune de placage d’acajou, par contre sur le dessus un « frisage » est apparu indiquant un dessèchement des colles anciennes .

Des lacunes de placage sont à observer à l’intérieur de la coiffeuse . Deux pieds sur quatre sont à refixer par un collage à la colle chaude (réversible). Les 4 pieds sont abîmés suite à plusieurs chocs et la couleur noire mériterait une nouvelle mise en teinte.

 

Restauration du placage et de l’ivoire.

 

Des petites greffes de placage d’acajou et de merisier ont été réalisées

 

 

greffe-acajou-sur-lacune

greffe sur lacune de placage d’acajou

 

Réhydratation des colles anciennes :

 

Le gros du travail fut réalisé sur le placage du dessus par la réalisation d’une ré hydratation des colles anciennes. Cette technique fut mise au point il y a une quinzaine d’années par un restaurateur du musée des arts décoratifs de Paris. Elle nous permet de rendre au placage tranché sont aspect lisse originel.

 

pressing-sur-placage-a-65°

Pressing à 65°

 

 

Schématiquement, on commence par hydrater le placage pendant 1 heure avec de la colle cellulosique car les molécules de fibre de bois déshydratées sont avides d’eau : le gel humidifiant va donc transmettre lentement l’eau au bois puis à la colle ancienne. Après avoir ôté tout le gel humidifiant, on applique sur le placage un gel de colle de poisson dilué avec de l’eau et de l’alcool en préservant un PH neutre par un ajout infime d’acide acétique. La troisième phase consiste à serrer le tout en le chauffant à 65° pendant 15 mm grâce à une « nappe chauffante » en silicone et d’attendre le jour suivant (voir photo ci-contre). Par mesure de précaution, il est préférable de nettoyer la colle puis de remettre sous serrage encore 2 jours à froid.

Restauration des pieds

 

Les lacunes d’ivoire, au nombre de 13 ont été greffée avec de l’os (l’ivoire étant interdite à la vente depuis les accords de Washington de 1995). L’os fut scié à l’identique et fut collé à la colle blanche (voir photo ci-dessous).

 

decoupe-au-bocfil

Découpe de l’os au bocfil en remplacement de l’ivoire

 

Après un décapage des pieds, une teinte noire Napoléon III fut appliquée sur chaque pied avant qu’un vernis cellulosique soit appliqué au tampon.

 

 

recette-noire-napoleon3

Recette du noire Napoléon III

 

Finition

 

Cette étape commence tout d’abord par un dégagement de surface réalisé avec un pro- duit décapant sans soude qui respecte le bois. Tout le vernis est retiré sans pour autant supprimer la patine du bois. Le gommage permet de « gommer » comme son nom l’indique les rayures et les enfoncements provoqués par les chocs mais sans poncer complètement le bois. La mise en teinte des greffes a été faite chimiquement. Aucune teinte n’a été appliquée pour garder la couleur blonde de l’acajou. Le remplissage des pores est effectué à la ponce. Un vernis gomme laque « fine orange » fut appliqué au tampon, comme demandé par le client. L’intérieur du meuble fut verni comme l’extérieur.

 

Restauration d'une coiffeuse Art déco

Coiffeuse Art déco après la restauration